29 novembre 2021

La visite du dirigeable R-100 à Montréal

Durant les années 1920, le dirigeable était perçu comme le mode le plus prometteur pour les vols intercontinentaux. La performance des aéronefs à voilure fixe était encore marginale et, à la fin des années 1920, seulement quelques braves pilotes avaient réussi à traverser l’Atlantique en aéronef. Durant cette période, les trois principales sources de fabrication et d'exploitation de dirigeables étaient l’Allemagne, la Grande‑Bretagne et les États‑Unis.


Peinture du R-100 à son arrivée à Saint-Hubert de l’artiste canadien Don Connolly à la galerie d’art de l’aviation du MAM

En 1924, après maintes discussions, le gouvernement britannique inaugure le Imperial Airship Scheme afin de raccorder la Grande‑Bretagne aux autres colonies de son empire, incluant le Canada à l’ouest, l’Égypte et l’Inde à l’est, et l’Afrique du Sud au sud. Pour ce faire, deux immenses dirigeables sont construits, le R‑100, conçu et construit par une filiale de Vickers qui possédait déjà une expertise dans le domaine, et le R 101, construit par le Royal Airship Works du gouvernement britannique.

La conception du R‑100 et du R 101 était basée sur des exigences opérationnelles similaires, utilisant toutefois des approches légèrement différentes.  L’objectif était de pouvoir transporter 100 personnes durant 57 heures à une vitesse de croisière de 101 km/h (63 mi/h). La conception des deux dirigeables divergeait de celle du Zeppelin traditionnel, avec une forme plus ovale, profilée et aérodynamique. Le concepteur en chef du R‑100 était Barnes Wallis, devenu subséquemment célèbre pour ses « bombes rebondissantes ». Il s’appuya sur des techniques avancées de conception structurelle, utilisant le Duralumin comme matériau principal afin de minimiser le poids. C’était un véhicule massif et imposant, mesurant 213 m (700 pi) de longueur, avec un ballonnet à gaz hydrogène d’une capacité supérieure à 140 000 m3 (5 M pi. cu.). Une fois sa construction terminée à Howden au Yorkshire, le R‑100 fit son premier vol en décembre 1929, suivi par les vols d’essai.


Souvenir de la visite du R-100 le 2 août 1930 à Saint-Hubert

Entretemps, il fallait identifier et équiper les champs d’atterrissage dans les différents points d’arrivée. Les exigences étaient complexes. À la suite d’évaluations approfondies, la région de Saint‑Hubert au Québec fut sélectionnée comme site d’atterrissage canadien. Le gouvernement canadien a donc subventionné la construction de l’aéroport de Saint‑Hubert (YHU), une première au Canada. Les installations comprenaient une tour d’amarrage de 63 m (206 pi) de hauteur construite par Canadian Vickers, une usine de fabrication d’hydrogène, une station de service météorologique et des commodités pour l’accueil du public voyageur.

Le 29 juillet 1930, le R‑100 s’envole de sa base d’exploitation à Cardington au Bedfordshire, à destination de Montréal avec 43 personnes à bord, dont 37 membres d’équipage. C’est le premier vol international de longue distance dans le cadre du projet Imperial Airship Scheme. Le R‑100 arrive à Saint‑Hubert aux petites heures du 1er août après un voyage de presque 79 heures, ayant parcouru 5 414 km (3 364 mi). Le vol est sans évènement majeur, sauf un bris à l’enveloppe de la queue causé par un orage en survolant L’Isle‑aux‑Coudres, Québec. Des réparations temporaires sont effectuées en vol et des réparations définitives sont effectuées par le personnel de Canadian Vickers après l’atterrissage à YHU.

La visite du R‑100 fut un évènement majeur, bien médiatisé, qui nécessita l’ajout de transport dédié à partir de Montréal. Le nombre estimé de présences varie de six cent mille à plus d’un million. Durant son séjour, le R‑100 effectua un vol domestique au cours duquel il survola Ottawa, Toronto et les chutes Niagara, avant de retourner à sa tour d’amarrage à YHU. La seule difficulté technique d’importance fut le bris d’un de ses six moteurs. Le R‑100 décolla le 13 août 1930 pour son voyage de retour à Cardington, arrivant 58 heures plus tard et ayant parcouru une distance de 4 820 km (2 995 mi).

Le voyage fut jugé un succès. Malgré les appréhensions de plusieurs personnes impliquées, ce succès incita les responsables de projet à demander que le R 101, déjà soumis à un plus grand nombre de changements et de modifications que le R‑100, puisse accomplir un voyage en Inde pour assister à une conférence impériale. Le R 101 décolla le 4 octobre 1903, dans des conditions météorologiques difficiles et après sept heures de vol, s’écrasa et prit feu tout près de la communauté de Beauvais dans le nord de la France, entraînant la mort de 48 des 54 personnes à bord. Cet accident mit fin au projet de dirigeables britanniques et le R‑100 fut démoli et envoyé à la ferraille. L’Allemagne continua ses opérations de transport de personnes par dirigeable, et ceci jusqu’au désastre du Hindenburg en 1937. Entretemps, la performance des aéronefs à voilure fixe avait augmenté considérablement et, inévitablement, l’époque des dirigeables commerciaux tira à sa fin.

Le présentoir du R‑100 au Musée de l’aviation de Montréal est une attraction très populaire auprès du public qui le visite. Plusieurs se souviennent des histoires de leurs proches qui ont eu la chance de voir ce dirigeable à Saint‑Hubert ou en vol.


La section d’exposition du MAM dédiée au R-100

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