Toutes les conditions semblent réunies pour qu’un pôle de démantèlement d’avions en fin de vie voie le jour au Québec, mais, comme un appareil cloué au sol par mauvais temps, le projet tarde à décoller. Les succès obtenus par un nouveau joueur pourraient

22 juillet 2014

Recyclage d’avions : Le futur pôle québécois en quête de cohésion

Article tiré du journal Le Devoir par Karl Rettino-Parazelli - 19 juillet 2014

Toutes les conditions semblent réunies pour qu’un pôle de démantèlement d’avions en fin de vie voie le jour au Québec, mais, comme un appareil cloué au sol par mauvais temps, le projet tarde à décoller. Les succès obtenus par un nouveau joueur pourraient toutefois changer la donne.

Au cours de l’été 2013, deux appareils Airbus A310 d’Air Transat ont été démantelés à l’aéroport de Mirabel, ce qui a valu au transporteur aérien le Grand Prix Novae de l’entreprise citoyenne, remis en juin dernier. Aerocycle, l’entreprise chargée de l’opération, est parvenue à recycler et à réutiliser 87 % des deux avions vétustes.

Gonflé à bloc, le président et chef de la direction de l’entreprise, Ron Haber, croit que cette expérience réussie mènera sous peu à la concrétisation d’un véritable pôle industriel consacré à la gestion écologique des avions en fin de vie, une idée évoquée pour la première fois au Québec il y a environ trois ans.

« C’est sûr que ça va de l’avant, lance-t-il en entrevue au Devoir, évoquant des discussions récentes avec le transporteur Transat, Bombardier et la grappe aérospatiale du Québec, Aéro Montréal. On s’est tous entendus, donc on est en train de mettre la table pour notre première réunion à l’automne. »

Le démantèlement écoresponsable, « ça ne se fait pas en ce moment au Québec », dit-il. « C’est le maillon qui manque dans le cycle de vie complet des appareils. »

«Pourquoi pas ici?»

Le directeur principal, durabilité et amélioration des affaires chez Transat, Keith Lawless, croit lui aussi au projet. « On est le troisième pôle aéronautique au monde [après Seattle et Toulouse], donc pourquoi pas ici ? Pourquoi devoir envoyer nos avions aux États-Unis ou en Europe ? » Il précise que, pour élaborer le pôle, Transat compte partager ses expériences de démantèlement sans pour autant devenir un fournisseur régulier d’avions à recycler.

La création d’un tel pôle québécois permettrait de recevoir des avions en fin de vie provenant d’ici et d’ailleurs, de les démanteler et de disposer des pièces et des matériaux récupérés en les recyclant, en les réutilisant ou en les revendant. Dans le cas des deux Airbus A310 mis en valeur, 57 % des matières ont été recyclées et 29 % ont été réutilisées.

Plusieurs entreprises québécoises pourraient être impliquées, glisse Ron Haber, ce qui augmenterait l’impact du projet pour l’économie québécoise. Des alumineries pourraient récupérer les pièces métalliques — à condition de posséder l’expertise nécessaire en deuxième fusion — et certaines entreprises deviendraient de potentiels acheteurs de pièces démantelées.

M. Haber ajoute que des discussions ont été entamées avec le ministère de l’Éducation et la Commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier, qui couvre les régions de Laval, des Laurentides et de Lanaudière, pour créer un programme de formation professionnelle (DEP) enseignant le démantèlement des avions. Cette formation répondrait aux besoins de main-d’oeuvre de l’entreprise. « Ça n’existe pas, ce qu’on fait actuellement, donc tout est à développer », lance-t-il.

Chez Aéro Montréal, on ne partage toutefois pas le même optimisme. Le projet est dans l’air depuis quelques années, mais on est encore loin du but, laisse entendre la présidente-directrice générale, Suzanne Benoît.

« J’aimerais que la flamme revienne, dit-elle. Parce qu’actuellement, l’industrie va bien, mais les gens de Bombardier sont plus préoccupés par la CSeries. Ceux de Pratt Whitney veulent développer des moteurs. Il faut donc voir qui peut être le porteur de ballon d’un projet comme ça. »

En 2011, la grappe québécoise a commandé une première étude, dont Le Devoir a obtenu copie, pour évaluer la faisabilité d’un tel pôle industriel. Ce rapport « a démontré la faisabilité de mettre en oeuvre au Québec un nouveau pôle industriel pour la déconstruction écologique des avions en fin de vie, selon les dimensions concurrentielle, opérationnelle, technologique, économique et environnementale ».

Depuis le début des discussions, l’entreprise Avianor était citée comme étant ce « porteur de ballon » tant recherché, mais des problèmes internes au sein de l’entreprise ont récemment miné la poursuite des démarches. Son président, Sylvain Savard, fait valoir que les changements administratifs qui seront officialisés sous peu ne devraient pas nuire au projet de pôle.

Entre-temps, Aerocycle n’est « qu’un des joueurs » susceptibles de mener la parade, juge Mme Benoît. Les efforts de l’entreprise s’ajoutent aux travaux de recherche menés récemment au sein de l’École nationale d’aérotechnique pour analyser le cycle de fin de vie des aéronefs. « J’aimerais que le projet soit plus structuré, plutôt qu’il y en ait un dans son coin qui fasse un projet de recherche, un autre qui fasse un projet de recyclage », ajoute-t-elle.

Selon Mme Benoît, toutes les options sont sur la table. Si Mirabel apparaissait à première vue comme l’endroit idéal pour implanter le pôle, un site à Trois-Rivières est maintenant considéré.

Le comité de travail qui se réunira cet automne pourra relancer le débat et tous les acteurs concernés auront l’occasion de s’exprimer. Mais Aéro Montréal répète que, dans ce dossier, elle joue d’abord et avant tout un rôle de « facilitateur ».

« C’est une décision commerciale. Ce sera l’industrie qui pourra décider si on est en mesure de développer un modèle d’affaires qui lui convient, conclut la p.-d.g. Si on parvient à se structurer et à s’organiser, il y a une business à faire là-dedans. Le Québec, d’un point de vue politique, c’est un lieu naturel pour ce genre de projet. »

Les dernières nouvelles

  • OFFRE D'EMPLOI : AÉRO MONTRÉAL RECRUTE UN.E GESTIONNAIRE DE PROJETS
    29 mai 2025

    OFFRE D'EMPLOI : AÉRO MONTRÉAL RECRUTE UN.E GESTIONNAIRE DE PROJETS

    Aéro Montréal, grappe industrielle représentant 280 organisations du secteur...

    En savoir plus