9 janvier 2017

Le droit de porter un turban a-t-il préséance sur l’obligation de porter un casque protecteur?

Dans de nombreux milieux de travail, les employeurs rendent le port du casque protecteur obligatoire afin de protéger la santé et la sécurité de leurs employés et ainsi se conformer aux différentes législations applicables. Il arrive cependant que certains employés, pour des motifs reliés à leurs croyances religieuses par exemple, refusent de porter de tels équipements protecteurs. Comment doivent réagir les employeurs dans une telle situation et surtout, jusqu’où doit aller l’obligation d’accommodement? Une décision récente de la Cour supérieure du Québec (2016 QCCS 4521) offre une piste de solution pour cette épineuse question à laquelle plusieurs employeurs ont été confrontés au cours des dernières années.

Dans cette affaire, les demandeurs, de religion sikhe, occupaient le poste de camionneurs pour différentes compagnies de transport effectuant des livraisons dans plusieurs terminaux du Port de Montréal (le Port). Or, une politique (la Politique) rendant le port du casque protecteur obligatoire dans ces terminaux a amené ces camionneurs à alléguer qu’on leur interdisait l’accès aux terminaux en raison de leurs croyances religieuses, qui leur interdiraient de porter un casque protecteur sur leur turban.

Dans les faits, la direction d’un des terminaux avait élaboré une procédure d’accommodement pour les chauffeurs de religion sikhe qui refusaient de porter un casque sur leur turban. Cette mesure d’accommodement impliquait notamment des modifications substantielles aux méthodes de transit des conteneurs visant à s’assurer que les chauffeurs demeuraient à l’intérieur de leurs véhicules à tout moment durant ces opérations. Il convient de noter que tous les camionneurs sikhes avaient accepté cet accommodement à l’exception des trois demandeurs.

En regard de ces faits, la Cour a conclu que la Politique constituait une atteinte au droit à la liberté de religion des demandeurs, tant en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne qu’en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La Cour a toutefois conclu qu’une telle atteinte était tout à fait justifiée, considérant d’une part l’objectif premier de la Politique visant à assurer la sécurité des travailleurs et d’autre part la preuve convaincante de la nécessité de cette Politique.

À la lumière de cette décision, il appert que dans l’éventualité où un employeur a un souci sincère relativement à la santé ou à la sécurité de ses employés dans ses installations, des mesures préventives peuvent être adoptées même lorsqu’elles entravent les droits fondamentaux de certains de ses employés. Notez bien toutefois : les circonstances entourant l’adoption de ces mesures et leur mise en place auront possiblement un effet sur leur validité aux yeux d’un décideur. Agissez avec bonne foi et assurez-vous que vos mesures ont un objectif clair et qu’elles soient nécessaires à la réalisation de cet objectif!

Caroline Jodoin
Philippe Bélisle CRHA

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