12 août 2020

Diversité et inclusion : à quoi l’employeur doit-il s’attendre sur le champ juridique ?

Le thème de l’inclusion et la diversité est en vogue depuis les dernières années, le Canada figurant parmi les leaders mondiaux en la matière. Diverses études récentes indiquent les avantages de l’inclusion et de la diversité en milieu de travail, notamment l’innovation, la résolution efficace de problèmes et l’encouragement à la créativité. Mais il y a plus. Ces bénéfices se traduisent en un avantage concurrentiel et dans une augmentation des marges de profits. À titre illustratif, le rapport de McKinsey Global Institute de 2017[1] indique que la mise en place de mesures favorisant l’égalité hommes-femmes pourrait permettre au Canada d’accroître son PIB de 150 milliards de dollars d’ici 2026.

Or, et d’un point de vue juridique, quelles sont les obligations légales de l’employeur en matière d’inclusion et de diversité au Québec?

Droit à l’égalité

En cette matière, et pour les employeurs de juridiction provinciale, l’obligation principale est celle de respecter le droit fondamental à l’égalité consacré par la Charte des droits et libertés de la personne (la Charte) et par d’autres lois de nature supralégislative. À notre avis, ce droit ne fait pas naître d’obligations positives à l’employeur en matière de diversité et d’inclusion. Il impose toutefois aux employeurs une obligation négative de non-discrimination, notamment lors de l’embauche ou de la détermination et de l’application des conditions de travail.

Ce n’est cependant pas toute distinction qui sera considérée comme discriminatoire. En effet, pour être assimilée à de la discrimination, une distinction doit être fondée sur l’un des motifs énumérés par la Charte, tels le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, la langue, l’origine ethnique ou nationale et le handicap.

Bien que cette obligation n’aille pas jusqu’à imposer l’embauche d’un nombre déterminé de femmes ou de membres d’une minorité visible, son respect pourrait représenter des contraintes opérationnelles ou financières importantes pour un employeur. Pensons notamment à l’embauche d’une candidate enceinte (pour le remplacement d’un congé maternité) ou bien à la réintégration d’un salarié ayant des limitations physiques importantes. Dans de telles situations, un employeur ne pourrait pas simplement mettre fin au processus d’embauche ou refuser la réintégration. Et pour cause : il est tenu d’explorer des solutions d’accommodement raisonnable pour résoudre l’impasse.

Une porte de sortie s’ouvre toutefois aux employeurs : la contrainte excessive. Essentiellement, un employeur doit démontrer que toutes les solutions envisageables d’accommodement représentent une contrainte excessive, laquelle peut se manifester entre autres par une entrave indue à l’exploitation de l’entreprise, des coûts excessifs, des risques de sécurité. Il est donc important dans un tel cas de figure pour un employeur de bien documenter le dossier et l’ensemble des démarches entreprises avant de conclure à la contrainte excessive. Cette documentation sera indispensable afin d’exempter un employeur de toute responsabilité, notamment lorsqu’il conclut à l’inexistence d’une mesure d’accommodement réaliste et raisonnable.

Équité salariale

Les obligations de l’employeur ne s’arrêtent pas là. En effet, certains enjeux liés à la place de la femme en milieu de travail ont été adressés par le législateur, et ce notamment par la reconnaissance du droit de la femme à l’équité salariale. Ce droit consiste à offrir aux personnes qui occupent un emploi à prédominance féminine une rémunération égale à celle obtenue par les personnes qui occupent un emploi à prédominance masculine de même valeur. Autrement dit, cette obligation exige plus qu’un « travail égal pour un salaire égal »; un employeur doit garantir « un salaire égal pour un travail différent, mais équivalent ».

Comment cette obligation se traduit-elle concrètement? En vertu de Loi sur l’équité salariale, les employeurs sont tenus, entre autres, d’effectuer une évaluation de maintien de l’équité salariale tous les cinq (5) ans après l’exercice initial d’équité salariale et corriger tout écart salarial constaté lors de ces évaluations à partir de la date de l’événement l’ayant généré. La correction salariale doit être faite de façon prospective, mais également rétrospective. Cette dernière est corrigée par le versement d’une somme forfaitaire alors que la première est corrigée sous forme d’un ajustement salarial.

Obligation d’information applicable aux sociétés cotées en bourse

Finalement, le règlement d’application des modifications à la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) établit une obligation pour les sociétés cotées en bourse régies par la LCSA de divulguer, notamment, si elles disposent ou non d’une politique sur la diversité qui s’applique à leur conseil d’administration et à leur haute direction, si la politique prévoit ou non des cibles de représentation de quatre « groupes désignés » (c’est-à-dire les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les membres de minorités visibles) ainsi que des statistiques sur la représentation de ces groupes. Pour plus d’informations à ce sujet, veuillez consulter l’actualité juridique publiée par Norton Rose Fulbright le 8 juillet dernier en cliquant ici.

À retenir

Sans prétendre avoir traité de façon exhaustive le reflet de l’inclusion et de la diversité dans le domaine juridique, il appert de ce bref exposé que, à l’heure actuelle, en comparaison aux objectifs mis de l’avant par les études existantes sur le sujet, les obligations légales qui incombent aux employeurs de juridiction provinciale sont peu nombreuses.

Malgré ce constat, les employeurs doivent rester attentifs et diligents. Le respect de l’obligation de non-discrimination est en pratique souvent plus complexe que ce que l’on avait anticipé.

En terminant, et pour les employeurs qui souhaiteraient, de façon proactive et volontaire, se doter d’un programme ou d’une politique sur la diversité, voici quelques recommandations pratiques :

  • communiquez de l’information exacte et détaillée sur vos pratiques en matière de diversité;
  • décrivez vos pratiques en matière de diversité et d’inclusion et démontrez dans quelle mesure celles-ci vous permettront d’atteindre vos objectifs;
  • ne divulguez que des chiffres ou statistiques strictement objectifs, vérifiables et véridiques sur la représentation de groupes désignés;
  • pour illustrer les progrès réalisés, le cas échéant, pensez à fournir les statistiques des années précédentes si elles sont disponibles;
  • fixez des objectifs réalistes, mais ambitieux; et
  • finalement, n’oubliez pas que ces objectifs sont des cibles à atteindre et non une finalité en soi; vouloir les atteindre à tout prix pourrait, contre toute attente, se traduire par des décisions discriminatoires, notamment dans le cadre de vos processus de sélection et d’embauche.

 

Auteurs :  Caroline Jodoin et Iones Deda Alves

[1] Sandrine Devillard, Tiffany Volgel et al., « Le pouvoir de la parité : Promouvoir l’égalité hommes-femmes au Canada », McKinsey Global Institute, 21 juin 2017

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