7 avril 2021

Contexte de pandémie : un arbitre précise les droits et obligations des employeurs québécois en matière de télétravail

Dans une décision récente, un arbitre de griefs a précisé les droits et obligations des employeurs québécois en matière de télétravail. Cette décision fait suite à celle qu’il a rendue l’automne dernier dans laquelle il a rejeté la demande d’ordonnance de sauvegarde du Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec (Syndicat) visant à forcer la Ville de Québec (Ville) à favoriser le télétravail.

La décision au stade provisoire

Tel qu’exposé dans notre billet de blogue sur la décision au stade provisoire, essentiellement, l’arbitre a rejeté la demande d’ordonnance de sauvegarde du Syndicat pour deux raisons :

le décret 689-2020 (Décret), lequel prévoit notamment que « lorsqu’une prestation de travail peut être rendue à distance, le télétravail à partir d’une résidence principale ou de ce qui en tient lieu [doit être] privilégié », ne modifie pas les conventions collectives existantes ni ne limite les droits de gérance d’un employeur. Ainsi, dans la mesure où la Ville prend les mesures sanitaires nécessaires et qu’elle n’est pas en mesure de privilégier le télétravail, elle peut exiger la présence au travail de ses salariés; et

la demande de sauvegarde du Syndicat revient à demander à l’arbitre de statuer sur le fond de l’affaire sans qu’il n’y ait eu de débat contradictoire, ce qui n’est pas permis au stade de l’ordonnance.

Dans cette décision, l’arbitre se penche sur le fond de l’affaire.

La décision sur le fond

Au début de la pandémie, la Ville a affecté les agents du service 311 en télétravail. Ces derniers ont pour principales fonctions de répondre aux demandes des citoyens, de recevoir les plaintes et de transférer les appels aux services appropriés.

Durant cette période, la Ville a aménagé l’espace de travail pour le rendre sécuritaire et a transféré une partie des agents à un autre immeuble afin de respecter la distanciation. Suivant la mise en place de ces mesures et la fin de la première période de confinement, la Ville a exigé la présence au travail des agents du service 311.

Le Syndicat se fonde sur le Décret, dont l’extrait pertinent est reproduit ci-dessus, pour demander à l’arbitre de forcer la Ville à permettre aux agents de fournir leur prestation de travail en télétravail. Selon le Syndicat, l’obligation de privilégier le télétravail amène l’obligation d’agir en ce sens, ce à quoi la Ville aurait fait défaut.

L’arbitre note d’abord que la convention collective est silencieuse au sujet du télétravail. Les droits de gérance de la Ville à cet égard demeurent donc intacts et celle-ci est libre, sous réserve de ce que prévoit le Décret, de décider si le télétravail est applicable ou non aux agents du service 311.

L’arbitre rappelle ensuite que le Décret ne modifie pas les conventions collectives existantes ni ne limite les droits de gérance d’un employeur. Il ne fait qu’ordonner que celui-ci « privilégie » le télétravail. Selon l’arbitre, le terme « privilégier » signifie « accorder une importance particulière » (par. 72). Ainsi, la Ville doit « privilégier le télétravail si, dans son opinion, [elle] peut le faire en assurant la qualité de service habituelle » (par. 73).

Or, il ressort de la preuve administrée devant l’arbitre que la qualité de service rendue par les agents en télétravail a été affectée par des problèmes de connexion, de réseaux internet faibles et de téléphonie. L’arbitre retient également que les appels des agents en télétravail ne peuvent, malgré les efforts déployés par la Ville en ce sens, être enregistrés, ce qui désavantage à la fois les agents et l’employeur. Enfin, l’arbitre note que la Ville a pris les mesures sanitaires nécessaires afin d’assurer la prestation de travail sécuritaire des agents du service 311.

En conséquence, l’arbitre rejette le grief.

Ce qu’il faut retenir

Cette décision confirme qu’un employeur qui met en place les mesures sanitaires nécessaires, tout en respectant les lois, les décrets et les ententes en vigueur, pourra vraisemblablement, en vertu de ses droits de gérance, exiger la présence au travail de ses salariés s’il n’est pas en mesure de privilégier le télétravail dans le contexte de pandémie mondiale de la COVID-19.

Auteur :

Jonathan Deschamps, Avocat

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